Pour bien comprendre l’intérêt d’un emoji drapeau breton et le sens de notre pétition. Petit retour en arrière pour comprendre comment est né le phénomène emoji.

Comment sont nés les emojis ?

Préhistoire de l’emoji

Une image vaut mille mots.
Confucius

Ok, nous le savons tous depuis la nuit des temps. Mais il est parfois bon de rappeler les évidences. Des cavernes de Lascaux à nos téléphones portables, l’histoire de la communication humaine a toujours fait la part belle aux images. Plus concise, moins sujette aux interprétations erronées, l’image “parle d’elle-même”.

Licorne peinte sur les murs de la grotte de Lascaux.

 

 

Licorne peinte sur les murs de la grotte de Lascaux.

Emoji Licorne - design Apple

 

 

L’emoji Licorne par Apple.

Avec l’invention de nouveaux outils de traitement de texte, l’informatique a introduit au XXème siècle plusieurs innovations en matière d’écriture. Ainsi, avec l’émergence de l’email, nous avons vu apparaître les premières émoticônes1

. Ces émoticônes (contraction d’émotion et icône) se composent de caractères existants, principalement la ponctuation. Accolez par exemple deux points à une parenthèse et vous obtenez le célébrissime smiley 🙂 !
Cet usage, très vite répandu dans les échanges en caractères latins, a connu une première variation au Japon avec les kaomoji2. Grâce à des jeux de caractères différents, ces émoticônes japonaises ont étendu la palette des expressions. Le haussement d’épaules est sans doute le plus connu ¯\_(ツ)_/¯.

Le génie du design japonais

Pas étonnant donc, que l’emoji naisse au Japon. Le japonais utilise déjà en grande partie des idéogrammes chinois. Avec l’ouverture sur l’Occident, ces systèmes d’écriture, non-latin, ne facilitent pas les échanges. Les Japonais font donc preuve d’ingéniosité pour trouver des moyens de communiquer de manière plus universelle. Les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 inaugurent ainsi une signalétique imagée qui permet au monde entier de retrouver son chemin en fonction des épreuves.

La signalétique au JO de Tokyo en 1964

 

 

La signalétique au JO de Tokyo en 1964

Avec une industrie des télécoms très avancée, une forte sensibilité à la diversité des scripts (le japonais en utilise 4), une culture des symboles et la communication par image, le Japon disposait naturellement de tous les ingrédients pour initier une révolution de l’écriture.

Et c’est en 1998 que cette révolution se fait. La société japonaise de télécommunication NTT DOCOMO s’apprête à lancer un nouveau service de communication pour appareils mobiles: i-mode. 250 caractères au maximum par message. Alors, pour faciliter l’inclusion d’image dans les petits écrans d’alors, un ingénieur de l’équipe, Shigetaka Kurita, propose alors une série de petits dessins pour faciliter la communication. Ainsi, mesurant 12×12 pixels, ces 176 “emoji3 vont, sans le savoir, bouleverser la communication du 21ème siècle.

Les 176 emojis originaux par Shigetaka Kurita

 

 

Les 176 emojis originaux par Shigetaka Kurita pour NTT DOCOMO en 1998-99. Le fichier a été exposé au MoMa à New York en 1996.

La consécration des emojis par l’Unicode

Le succès fût immédiat et largement copié et adopté par les concurrents japonais de NTT DOCOMO. Avec l’explosion des technologies mobiles, les constructeurs occidentaux, comme Apple et Google, ont suivi de près ce phénomène pendant les premières années 2000.

Chez Apple, le premier iPhone n’aura pas d’emoji à sa sortie en 2007. Le premier clavier emoji sera disponible uniquement au Japon dans la version iOS 2.2, lancée en novembre 2008.  Soit un an après le lancement du mythique smartphone. Il faudra même attendre 2011 pour avoir un clavier emoji disponible globalement. Google, de son côté, ne le proposera sur Android que 2 ans après.

Mais Google oeuvre tout de même pour la standardisation des nouveaux caractères. En effet, dès 2007, un groupe de leurs ingénieurs en charge de l’internationalisation des logiciels, plaide la cause des emojis auprès du Consortium Unicode. En 2009, deux ingénieurs d’Apple proposent un premier ensemble de 625 emojis. La consécration vient en 2010. Le consortium Unicode décide alors d’indexer ces nouveaux caractères. C’est alors une première reconnaissance mondiale pour les emojis. Celle-ci marquera le début d’un véritable phénomène de mode.

[La folle ascension des emojis, à suivre]

  1. Certains les font remonter jusqu’en 1648 ↩︎
  2. “kao” (顔 – “visage”) and “moji” (文字 – “lettre”) ↩︎
  3. emoji signifie littéralement « image » (e) + « lettre » (moji). ↩︎